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Un repas significatif
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Voici comment l’Évangile selon Matthieu relate la dernière cène, au chapitre 26 :
Le premier jour des pains sans levain, les disciples s’adressèrent à Jésus:
«Où veux-tu que nous te préparions la Pâque ?»
Jésus répondit : « Chez un tel, en ville. Vous lui direz : Le maître dit : Mon temps est proche, je ferai chez toi la Pâque avec mes disciples. »
Les disciples firent ce que Jésus avait ordonné et préparèrent la Pâque.
Le soir étant venu, il se mit à table avec les douze.
Pendant qu’ils mangeaient il leur dit : « L’un de vous me livrera ».
Attristés, chacun s’inquiétait : « Est-ce moi, Seigneur ? »
« Celui qui a mis avec moi la main dans le plat me livrera. Le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ».
Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain et, après avoir rendu grâces, il le rompit et l’offrit à ses disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps ».
Il prit de même la coupe : « Prenez, buvez-en tous, ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui est répandu pour le pardon des péchés de la multitude. En vérité, je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où j’en boirai du nouveau, avec vous, dans le royaume de mon père ».
Cet extrait nous rappelle à suffisance le caractère dramatique de ce que nous nommons volontiers le dernier repas et nous comprenons également le message, sous-jacent à l’événement, et son importance. Ce qui me frappe, c’est que Jésus, pour annoncer les choses futures, n’a pas proposé une image céleste, mais terrestre : un repas festif, celui de Pâque, et que pour figurer la promesse, il fait appel au souvenir commun : la libération de l’Égypte, la terre d’esclavage.
Nul n’ignore que pour les hébreux le memoriam pascal a une portée religieuse essentielle. Il permet aux Juifs non seulement de se rappeler la délivrance opérée par l’Éternel, mais également de l’actualiser, en se l’incorporant, par le biais du repas partagé.
Et ce n’est pas tout, le passé devenait également la source d’une espérance indestructible, car si Yahvé avait été capable de les libérer du joug pharaonique, il serait à même de les délivrer de toute oppression et pour l’éternité. Ainsi, le repas pascal engageait littéralement ses participants dans l’histoire du salut.
La cène, l’eucharistie pour nos amis catholiques, participe de cette même perspective et l’amplifie en la personne de celui que nous recevons comme seigneur et sauveur, Jésus de Nazareth, le Christ de Dieu devenu notre Christ.
Elle est célébrée,
Il s’agit, somme toute, d’un rite d’actualisation. Par ce repas symbolique, le chrétien, tout comme le Juif – et à sa suite – alimente son présent par les apports conjugués du passé vécu – ou revécu – et de l’avenir promis.
Dès la genèse du christianisme, les chrétiens se réunirent les uns chez les autres pour des agapes au cours desquelles ils prenaient la cène, en rompant le pain et en partageant la coupe de vin, après avoir prononcé les paroles d’eucharistie, c’est-à-dire les actions de grâces. Ce repas devint ainsi un des centres de la vie cultuelle et il ne fait guère de doute que la fraction du pain est une des marques de l’Église primitive et un des piliers sur lequel elle a été édifiée.
Toutefois, nous ne devons jamais oublier, en tant que chrétien, que la parole de Dieu se fait entendre avant tout par la prédication des Écritures judéo-chrétiennes.
Comme le souligne le professeur émérite André Gounelle, dans la pensée protestante, c’est-à-dire dans l’approche réformée, la parole de Dieu se fait entendre avant tout, et la présence du Christ se manifeste principalement, dans la prédication.
La prédication constitue l’acte central et essentiel du culte. Les sacrements lui sont subordonnés ; ils viennent ensuite, en second lieu. Ils sont « joints », « ajoutés » à la prédication, comme le stipule le Catéchisme de Calvin (1542), La Confession de foi de la Rochelle (1559) et La Confession des Pays-Bas (1571).
Jésus a institué deux sacrements : le baptême et la cène; et les disciples les ont perpétués pour des raisons que l’on pourrait qualifier de pédagogiques. Entendez par là que la cène a été instituée par Jésus pour nous aider à mieux saisir le message salutaire annoncé par la prédication.
L’architecture protestante classique souligne fort judicieusement cette prééminence de la prédication en faisant dominer la table de communion par la chaire de vérité, du haut de laquelle le message biblique est proclamé.
Aujourd’hui, hélas, de nombreux milieux protestants, influencés par le catholicisme dominant, qui voit dans le sacrement l’acte essentiel du culte – dès lors nommé «Messe»…, de nombreux milieux protestants disais-je, on tendance à multiplier les services de Sainte Cène. Cela me paraît fâcheux ! D’une part pour les raisons déjà évoquées mais également par le fait que le ritualisme est toujours prêt à menacer une foi adulte et qu’il faut inlassablement lui résister.
Ici encore, le professeur André Gounelle nous rappelle avec pertinence que la Réforme a voulu judicieusement remplacer une foi centrée sur un ensemble de rites par une foi centrée sur l’écoute de l’Évangile, et qu’il ne faut pas faire le chemin inverse.
Autrement dit, si la célébration de la cène peut occasionnellement constituer pour la vie chrétienne une aide précieuse, elle n’est pas indispensable et son absence ne rend pas la foi incomplète, alors que l’écoute et la méditation de la parole prophétique et biblique sont, elles, absolument nécessaires.
Il va sans dire que durant la période pascale les chrétiens vont se remémorer, avec beaucoup d’émotion, les temps forts de cette fameuse semaine qui conduisit Jésus, des acclamations du dimanche des rameaux, à la crucifixion du vendredi. Comme nous l’avons souligné, en commençant cette réflexion, le dernier repas de Jésus avec ses disciples est une étape significative de ces quelques journées déterminantes. En se rassemblant autour de la table, les chrétiens se rappellent le don de Jésus, s’unissent symboliquement en un même corps et proclament leur espérance en la venue prochaine du royaume des cieux annoncée par Jésus.
C’est important, mais seulement comme une étape parmi d’autres; et il est clair et salutaire que pour nombre de coreligionnaires, Jésus est avant tout :
Dans la scénographie dramatique de la « semaine sainte » toutes ces valeurs se retrouvent et sont portées au paroxysme : aller jusqu’au bout de ses idéaux même au risque d’y perdre sa vie, le don total de soi, paroles de paix, de réconfort et de pardon, alors que l’on est soi-même en proie aux pires haines, bassesses et abandons, sacrifice ultime de sa vie mais accompagné d’un espoir incommensurable: celui de voir triompher un jour ce royaume où l’on boira le vin nouveau, en parfaite paix et harmonie avec tous ceux et celles qui entourent la table des réjouissances éternelles.