La parabole du semeur (1ère partie)

Réflexions à partir d’une approche d’Antoine Nouis

MATTHIEU 13, 1 à 10 – Parabole du semeur

« Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger.
D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »

Pourquoi donc Jésus parle-t-il en paraboles ?

Jésus n’a pas inventé les paraboles, on en trouve dans le Premier Testament et dans des écrits non bibliques. La particularité de l’évangile est le nombre de paraboles racontées, environ une trentaine, qui en font le moyen privilégié de communication choisi par Jésus, pour « rencontrer l’attention de ses disciples » ; ce que les auteurs testamentaires ont parfaitement compris en nous les relatant.

Comme dans l’exemple de ce jour, les paraboles que raconte Jésus commencent par un récit ordinaire dans lequel interviennent une fracture, un dérapage, un élément d’extravagance qui attire notre attention. C’est le moment où le père offre une fête au fils qui l’a quitté, où le juge cynique cède à l’obstination de la veuve, où un semeur sème à tous vents et sur tout terrain, où le propriétaire donne le même salaire au dernier qu’au premier, où le marchand offre tout ce qu’il possède pour une simple perle. Dans ce décalage, le monde ordinaire est mis en crise et le Royaume se dévoile comme un autre regard, insoupçonné, sur la réalité.

Un disciple est allé voir son maître pour se plaindre : « Tu nous racontes souvent des histoires, mais tu ne nous expliques jamais ce qu’elles veulent dire. » Le maître a répondu : « Que dirais-tu si je t’offrais un fruit, mais qu’avant de te le donner, je le mâchouillais ? »

En laissant à l’auditeur le soin de se laisser conduire par le récit, de s’identifier à tel ou tel personnage, d’être déplacé par les ruptures et les surprises de l’intrigue, la parabole ne l’enferme pas dans une interprétation figée, elle ouvre un espace à l’intérieur duquel il peut laisser cette histoire entrer en résonance avec sa propre histoire. Cette résonance évoque un accord, au sens musical du terme, entre la Parole évangélique et la vie de l’auditeur.

Notre cerveau est partagé en deux parties principales. Le cerveau gauche est celui de la rationalité, de l’analyse logique et de l’efficacité pratique alors que le cerveau droit est celui de l’émotion, de la sensibilité artistique et de la relation humaine. Le langage des paraboles s’adresse autant à notre cerveau droit qu’à notre cerveau gauche. Jésus l’utilise car il veut s’adresser à la totalité de notre vie, à notre raisonnement, mais aussi à notre cœur, à notre histoire et à nos passions.

Dans les milieux anglo-saxons, on utilise fréquemment les initiales i.e. (id est, c’est-à-dire) et e.g. (exempli gratia, par exemple). On peut penser par un raisonnement abstrait ou en donnant des exemples. La Bible est pleine d’histoires, elle raisonne par exemples, elle évoque la notion de vérité comme une histoire plutôt que de vérité comme système. Jésus n’est pas venu avant tout pour nous donner un enseignement nouveau, mais pour entrer dans notre histoire, c’est certainement pourquoi il aimait raconter des… histoires…

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