Les vraies clefs de la paix et de la joie de vivre !

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Prédication apportée par Henri Fauche au culte du 22 juillet à Noirmoutier en l’île.

Le texte qui nous est proposé pour aujourd’hui se situe dans l’évangile de Marc juste entre la mort de Jean-Baptiste et la multiplication des pains, multiplication qui est au programme de dimanche prochain dans la version de Jean. Auparavant, comme vous avez pu l’entendre, dimanche dernier, Jésus a envoyé les apôtres évangéliser deux par deux en leur donnant « autorité sur les esprits impurs » (Marc 6, 7). Ils reviennent donc maintenant auprès de Jésus pour rendre compte de leur mission et sans doute aussi pour obtenir du réconfort car, malgré les nombreuses guérisons qu’ils ont opérées, ils n’ont certainement pas été bien accueillis partout. Jésus les avait d’ailleurs prévenus (Marc 9, 11) : « Si une localité ne vous accueille pas et si l’on ne vous écoute pas, en partant de là, secouez la poussière de vos pieds : ils auront là un témoignage ». On dirait aujourd’hui : « laissez tomber et poursuivez votre route »

Lecture de MARC 6, 30 – 34

Les apôtres se réunissent auprès de Jésus et ils lui rapportèrent tout ce qu’ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné. Il leur dit : « Vous autres, venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu. » Car il y avait beaucoup de monde qui venait et repartait, et eux n’avaient pas même le temps de manger. Ils partirent en barque vers un lieu désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent à cet endroit et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut pris de pitié pour eux parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger, et il se mit à leur enseigner beaucoup de choses.

Ils sont fatigués, nos chers apôtres : ils ont besoin de repos au retour de leur mission. Ils ont faim, mais ils n’ont « pas même le temps de manger ». Ils sont sans doute un peu perdus parmi ces gens qui vont et viennent en désordre, sans but. Ni les apôtres ni Jésus n’ont été identifiés. Pas d’hésitation donc quand Jésus les invite à se retirer vers un lieu désert pour se reposer. Le désert c’est le lieu pour se recueillir, pour se sentir proche de Dieu, pour recharger ses batteries sur le plan spirituel en quelque sorte.

Mais hélas ce lieu ne reste pas longtemps désert. Comment se fait-il que Jésus et les apôtres aient été reconnus ? Nous ne le savons pas. En se retirant à l’écart et en montant dans une barque peut-être ont-ils attiré l’attention ? Toujours est-il que dès le moment où ils ont été reconnus, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre.

Non seulement ceux qui sont présents sur place, mais les gens de toutes les villes accourent en se dirigeant vers le lieu où leur barque va accoster. On est passé en un instant d’une marche désordonnée à un vaste mouvement de foule en direction de Jésus et de ses disciples. Et petit détail : ils arrivent avant que la barque n’accoste. C’est dire combien ils sont impatients de retrouver le Christ et ses apôtres.

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Pouvons-nous en dire autant en ce qui nous concerne ? Sommes-nous vraiment impatients d’écouter la Parole? Sans doute pas tellement si on en juge par l’assistance clairsemée aux cultes du dimanche en France comme en Suisse. Il est vrai que durant toute la semaine nous sommes surchargés de multiples tâches : une famille à entretenir, des enfants ou des petits-enfants à garder et à élever, des ainés à accompagner, sans compter les obligations professionnelles ! Nous sommes continuellement sous stress et comme les apôtres, nous avons besoin de repos et le sport ou les sorties entre amis ont souvent la priorité. Mais heureusement l’Église ne se résume pas à l’assistance aux cultes dominicaux. Souvenons-nous qu’il est écrit dans Mathieu 18, 20 : « Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. ».

Néanmoins il est indéniable que les églises traditionnelles souffrent d’une désaffection évidente. Cependant, pour reprendre une image qui n’est pas de moi mais que je trouve bien adaptée à notre île, si les religions se retirent comme la mer au jusant, les rochers de la spiritualité émergent de façon de plus en plus spectaculaire. Et chaque fois que nous passons Anne et moi par Taizé nous sommes émerveillés de constater que des jeunes de tous les pays continuent de se rassembler sur la colline 50 ans après mai 68. Et d’autres lieux de retraite comme le Carmel de Mazille, qui depuis sa fondation est très lié à l’Église Protestante de Genève, affichent complet toute l’année.

Les églises traditionnelles ont perdu de leur attrait, mais d’autres lieux continuent d’accueillir des chrétiens en recherche. Car les questions fondamentales demeurent : Pourquoi sommes-nous là sur cette terre ? Pourquoi ces catastrophes naturelles et ces guerres qui font tant de victimes innocentes ? Pourquoi la souffrance et la mort ? La foi oriente nos réflexions et nous aide à donner du sens à ces questions fondamentales.

Mais nombreux sont ceux qui cherchent des réponses, des guides, en dehors de nos églises. Il suffit de voir le nombre de livres consacrés au bien-être, à toutes les formes de psychothérapies et à des sectes plus ou moins suspectes dans les rayons des librairies. Cependant beaucoup de gens qui cherchent en dehors des églises traditionnelles se disent athées parce qu’ils ont rejeté un catéchisme primaire qui enseignait que Dieu est tout puissant, qu’il nous domine et dirige toutes nos vies depuis son nuage. D’autres, intégristes ou fondamentalistes, disent croire en Dieu, mais en un Dieu de violence et de vengeance qui juge et qui punit, bien éloigné du Dieu d’amour dont nous parlent les évangiles. D’autres enfin rejettent Dieu parce qu’ils confondent athéisme et anticléricalisme et ne supportent pas certains travers de nos églises comme l’intolérance, l’inquisition, la pédophilie, la corruption, les abus de pouvoirs, etc.

Toutes les questions que j’ai évoquées ne sont pas simples. Et nos églises ont parfois du mal à formuler des réponses adaptées au monde d’aujourd’hui. Prenez par exemple nos traditionnels « credo » : le symbole des apôtres et le symbole de Nicée. Ils n’aident pas vraiment. Comment croire aujourd’hui en un homme « né de la vierge Marie » « Dieu issu du vrai Dieu », « descendu aux enfers » et qui est « ressuscité des morts » ? Comment croire en la « résurrection de la chair » sans un cours de théologie approfondie ?

Et pour tout compliquer je ne suis pas le seul convaincu qu’il existe un grand nombre de personnes, des croyants de toutes les confessions, des musulmans, des juifs, des athées, d’autres encore qui se comportent comme des chrétiens qui s’ignorent et font le bien autour d’eux gratuitement. Comme le disait la pasteure Florence Croupie dans une de ses prédications : « Pour moi, tout être qui place les valeurs de vie, de respect, de responsabilité du frère, comme constitutives de sa vie – même s’il ne confesse aucune croyance – est un être habité par Dieu, appelé par lui, tourné vers lui. » Prions donc pour que Dieu nous habite comme il habite certains de nos frères et sœurs, qu’ils soient des chrétiens convaincus ou non.

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Alors la question qui se pose à nous est : que dirais-je aujourd’hui à une foule impatiente comme celle qui attendait Jésus et les apôtres ? Que dire à ceux qui sont en dehors de l’église parce qu’ils n’ont jamais entendu parler de Dieu ni de Jésus-Christ, à ceux qui ont quitté l’église quelle qu’en soit la raison, à ceux qui croient et doutent en même temps ? Et plus concrètement encore, que croyons-nous encore ? Quelle foi voulons-nous transmettre à nos enfants et petits-enfants ? Chacun et chacune d’entre nous est appelé à donner sa propre réponse à ces questions.

Raphaël Picon disait « Parler de Dieu aujourd’hui ce n’est pas d’abord transmettre un héritage, aussi beau soit-il, mais inventer de nouvelles manières de dire Dieu, de le croire, de le célébrer, de l’aimer ». Le besoin de donner un sens à sa vie nous pousse à chercher encore et toujours qui est Dieu et quel est son dessein pour chacun d’entre nous individuellement.

Je me souviens que ma mère, très respectueuse des convictions de chacun, répugnait à dire ce en quoi elle croyait vraiment de peur d’influencer ou de choquer, et ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’elle a écrit quelques lignes qui ont permis de formuler le témoignage de foi lu lors du service d’action de grâce célébré en sa mémoire.

Parler de Dieu, c’est difficile car il ne se laissera jamais enfermer dans nos tentatives de le définir ni dans les dogmes forgés par nos églises. Nous n’aurons donc jamais fini de le chercher. Grégoire de Nysse (355 – 394), un de ces grands théologiens et mystiques communs à toutes les églises chrétiennes, puisqu’il vécut au 4 ème siècle en Capadoce, disait très justement : « Trouver Dieu consiste à le chercher sans cesse. ».

Quant à Saint Augustin il nous propose un chemin : « Tu ne vois pas encore Dieu, mais c’est en aimant le prochain que tu mérites de le voir. C’est en aimant le prochain que tu purifies ton œil pour voir Dieu. Considère donc en toi la source de cet amour du prochain. Là, autant qu’il est possible, tu verras Dieu. » C’est un bel écho aux deux grands commandements de l’Évangile de Mathieu au chapitre 22 : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée » Puis : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

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Mais revenons, pour finir, à notre texte. Il est dit qu’en voyant cette foule qui l’attendait avec impatience Jésus fut « pris de pitié ». Je ne suis pas helléniste. Mais les spécialistes s’accordent à dire que l’expression en grec est beaucoup plus forte, du genre « Jésus fut ému aux tripes ». C’est plus que de la pitié, et on comprend alors pourquoi il abandonne son projet d’emmener les apôtres se retirer dans le désert pour se reposer : Jésus ne supporte pas que son troupeau erre sans berger au risque de se perdre. Il ne demande pas aux apôtres leur avis : ils n’ont qu’à suivre, les pauvres ! Ils rentrent tout juste d’une mission qui n’a certainement pas été facile, ils n’ont pas eu le temps ni de se reposer, ni de manger, et les voilà de nouveau sur la brèche. Et bientôt ils auront à distribuer de la nourriture à cinq mille hommes !

Qu’est-ce que cela peut signifier ? Je me demande si ce n’est pas une manière de nous dire que l’annonce de l’évangile à laquelle nous sommes tous et toutes appelés, et sa mise en pratique – c’est ce qu’on appelle le sacerdoce universel, cher aux protestants – est un travail qui n’a pas de fin. Car il y aura toujours de la misère à soulager, des gens à consoler, des personnes isolées à aimer… Or, comme le disait Jean Calvin : « Là où on connait Dieu, on prend soin de l’humanité. »

Et puis sans cesse nous aurons aussi à répéter – et d’abord à nous répéter à nous-même – que l’amour du prochain et le pardon sont les vraies clefs de la paix et de la joie de vivre ! Telle est la bonne nouvelle que nous apportent les évangiles.

Amen

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