- Accueil
- Actualités
- Articles de l'ancien site de l'église locale
- Un livre à lire
Un livre à lire
Partage
Selon la notice biographique qui figure au dos de son livre, publié en 2013, Joëlle Randegger, médecin pédiatre, s’est consacrée en Afrique et en France aux enfants gravement malades : malnutrition, infections, cancer, Sida, tout en menant des recherches sur leur qualité de vie.
C’est donc en connaissance de cause que cette protestante engagée écrit sa « lettre ouverte à une amie psy et catho ». Elle parle non d’une place de théoricienne, ni de militante pour les droits des homosexuels, mais de clinicienne qui a mené des recherches approfondies sur la qualité de vie des enfants et sur leurs besoins fondamentaux.
La notion de « besoin fondamental » est largement utilisée dans le domaine de la psychologie pour désigner ce qui est absolument nécessaire à la vie, à la croissance et à l’épanouissement de l’être humain. Pour Joëlle Randegger, le mariage n’est en rien un absolu ni une nécessité pour former ou faire durer un couple: il est d’abord une institution humaine en réponse à quelques uns de nos besoins fondamentaux.
Plutôt que la pyramide de Maslow, Joëlle Randegger propose pour illustrer cette notion l’image d’une roue dont les six rayons correspondent à six catégories de besoins : reconnaissance et altérité, connaissance et créativité, sécurité et liberté. Ces besoins apparaissent opposés et complémentaires, tout excès de l’un entrainant le défaut de l’autre. Ils tournent autour de l’axe de la justice qui maintient la roue de façon solide et équilibrée. Après avoir démontré dans quelle mesure le mariage répond à ces besoins, l’auteure déclare que « Si nous considérons le mariage par choix et consentement mutuel, assorti d’engagements et de responsabilités, comme une réponse favorable à au moins trois – reconnaissance, altérité, sécurité – sinon à l’ensemble de nos besoins fondamentaux, je ne peux pas a priori le refuser à certaines catégories de mes frères humains sous le seul prétexte qu’ils revendiquent une orientation homosexuelle. À moins que tu me démontres fermement que les inconvénients pour eux-mêmes, pour les enfants vivant avec eux et pour la majorité hétérosexuelle, dépassent de loin les avantages que je viens de décrire. »
En parlant plus particulièrement du mariage chrétien, Joëlle Randegger remarque que, si l’institution est universelle et existe depuis la plus haute antiquité, elle revêt cependant dans la Bible sous la forme du couple homme/femme une importance toute particulière, car elle est intimement liée à l’histoire du salut. Après avoir passé rapidement en revue les références de l’Ancien Testament, elle propose une lecture de l’enseignement de Jésus de Nazareth condamnant le divorce qui devrait, selon elle, inciter la discipline ecclésiale catholique – qui refuse toujours l’accès à l’eucharistie des divorcés remariés – à plus de souplesse: en effet, il paraît à l’auteure que Jésus voulait surtout, dans son souci permanent des plus fragiles, protéger les femmes et les enfants, premières victimes de la répudiation. Car, dit-elle, sous la loi Mosaïque le droit de mettre fin au mariage était uniquement réservé au mari.
Imaginant que son interlocutrice objecte que le mariage homosexuel serait une relation qui refuse l’altérité (un de nos besoins fondamentaux), Joëlle Randegger, prenant ses distances avec certaines théories freudiennes, penche plutôt du coté de Lévinas, qui découvre l’altérité dans la rencontre avec un autre visage, face à face, les yeux dans les yeux, et non en abaissant le regard du coté du sexe. Elle finit par se demander si cette revendication de la différence nécessaire et absolue ne viendrait pas de notre difficulté à admettre notre bisexualité, la coexistence en chacun de nous, comme le propose le psychanalyste Carl Jung, d’un « animus » et d’une « anima ».
L’auteure consacre quelques pages à l’examen de la question de savoir si nous sommes déterminés, orientés ou libres de nos choix de sexualité, avant de traiter plus en profondeur le problème du désir de l’enfant. Car, si le mariage est une vraie réponse aux besoins des adultes qui le désirent, il faut aussi prendre en compte les besoins des enfants qui en seraient issus ou participants. C’est dans ce contexte que Joëlle Randegger puise dans son expérience personnelle de pédiatre. « J’ai beaucoup réfléchi à cette question » écrit-elle, « lorsque je recevais en consultation des enfants, orphelins de mère, élevés par deux hommes dont le plus affectueux et attentif n’était pas forcément le père biologique. Partant d’un a priori négatif, j’observais avec attention ces relations familiales encore très ‘excentriques’ pour moi qui avais été formée à la double école de la pédopsychiatrie et de l’éthique protestante. Ce sont pourtant eux qui m’ont permis de changer de regard, de relativiser mes présupposés et d’écouter ce qui, en réalité, pouvait être pour eux et leurs co-parents, troublant, douloureux, malsain: le deuil non parlé de la mère, la crainte de la mort qui pouvait d’un jour à l’autre détruire ce que l’on avait reconstruit, l’avenir totalement incertain puisque en cas de décès du père, le compagnon n’avait aucune chance d’obtenir le droit de garde et surtout, surtout la double exclusion de la maladie innommable et de l’homosexualité. »
Au terme d’un processus de réflexion et de débat mené depuis 18 mois dans toute l’Eglise, le Synode national de l’Eglise protestante unie de France réuni à Sète en mai 2015 a décidé d’élargir les possibilités d’accompagnement liturgique des personnes et des couples.
Au cœur d’une décision de quatre pages, il a notamment adopté le paragraphe suivant :
« Le Synode est soucieux à la fois de permettre que les couples de même sexe se sentent accueillis tels qu’ils sont et de respecter les points de vue divers qui traversent l’Église protestante unie. Il ouvre la possibilité, pour celles et ceux qui y voient une juste façon de témoigner de l’Évangile, de pratiquer une bénédiction liturgique des couples mariés de même sexe qui veulent placer leur alliance devant Dieu. ».
Une telle bénédiction est bien une possibilité ouverte. Elle n’est ni un droit, ni une obligation. En particulier elle ne s’impose à aucune paroisse, à aucun pasteur.
Pour télécharger le texte intégral de la décision du Synode national de 2015, cliquez ici.